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occitatnie

  • Bientôt, les fraises...

    Information à savourer

    Augmentation du CO2: et si les fraises devenaient meilleures?

    Et si l’augmentation du taux de CO2 dans l’atmosphère donnait de meilleures qualités nutritionnelles à notre alimentation? Une étude semble le confirmer.

    Avec le printemps, viendront rapidement les premières fleurs des fraisiers de nos jardins, promesses de belles récoltes rougies par plaisir au soleil et à la chaleur. Nos fraises ne sont jamais meilleures lorsque, encore chaudes d’un après-midi gracieux d’un mois de juin, nous les dégustons immédiatement, les pieds enfoncés dans l’humus des rangées.

    Notre savoir ancestral rejoint une fois de plus la science actuelle.

    En annonce de cette saison qui voit renaître la nature de notre hémisphère nord, un article, accepté par le peer review (lecture par les pairs) du journal scientifique  Science of Food and Agriculture, vient d’être signalé. Il sera édité prochainement dans le journal, mais son draft (brouillon) est d’ores et déjà disponible.

    Il parle de fraises! "Impact of elevated carbon dioxide and temperature on strawberry polyphenols" ("Impact d’une température et d’un dioxyde de carbone élevés sur les polyphénols des fraises") dont les auteurs, Balasooriya, Dassanayake, Seneweera et Ajlouni, sont tous de l’Université de Melbourne (Australie)1.

    On sait que notre planète est plus verte aujourd’hui que hier, grâce à l’augmentation du CO22. Mais ce verdoiement est-il plus efficace en termes de santé publique?

    La question est évidemment légitime.

    La population mondiale est en augmentation. D’aucuns crient qu’il y a trop de monde sur notre planète et que cela la détruit. Ceux-là préconisent une extinction massive de la population3, forcément et comme toujours, des plus faibles, afin que la Terre puisse à nouveau respirer!

    Ou la vraie question n’est-elle pas d’essayer de comprendre et d’agir afin de permettre à cette population, c’est-à-dire nous, de continuer à prospérer, ni plus ni moins?

    Emmanuel Le Roy Ladurie, dans son livre phare Histoire humaine et comparée du climat, paru chez Fayard en 2004, avait montré une bonne corrélation entre le climat des régions européennes, en France surtout, au cours du temps et la prospérité de ses populations. Sans en faire nécessairement une cause à effet, il montrait de façon convaincante que les périodes de refroidissement étaient accompagnées de guerres, famines, épidémies, renchérissement du pain et d’autres denrées, de stagnation des populations, et que les périodes plus chaudes voyaient un accroissement de celles-ci et une tendance à la prospérité. Bien sûr des événements météorologiques graves intercurrents pouvaient perturber ces tendances générales.

    Nous avons donc ici un premier élément de réponse venant de l’histoire.

    L’étude qui vient de nous être livrée sous forme d’un draft définitif tend à répondre à une autre partie de la question: la qualité nutritive d’un aliment est-elle améliorée par l’augmentation du CO2 et/ou de la température.

    Le "et/ou" s’impose ici, car la réponse pourrait être positive pour une variable mais pas pour l’autre ; et qu’en est-il de l’interaction entre ces deux grandeurs?

    Précisons que ce genre d’étude n’est pas du tout isolé et que de très nombreux travaux portant sur ce fruit ou d’autres espèces d’aliments donnent des conclusions similaires.

    La valeur nutritive d’une nourriture comporte plusieurs éléments: la quantité d’énergie apportée, les rapports entre sortes de nutriment (protéines, graisses, sucres), l’apport en oligo-éléments essentiels, les fibres, la présence des anti-oxydants et autres vitamines, etc.

    Dans notre exemple, plus c’est rouge, brun, orange, plus il y a de polyphénols, une classe de molécules présentes dans les plantes, aux propriétés diverses et bien intéressantes et dont, notamment, les vertus anti-oxydantes sont assez essentielles.

    Ce travail-ci étudie l’accumulation dans les fraises de cette classe de molécules (polyphénols, flavonoïdes, anthocyanes), sous diverses conditions: deux variétés de fraises sous deux températures, 25° et 30°, avec une concentration de CO2 croissante allant de 400, 650 et 950 ppm.

     

    Les résultats montrent que l’effet sur la concentration de l’ensemble des polyphénols, lié à l’augmentation de température et du CO2, dans les limites du protocole, pris séparément, est toujours bénéfique. Par contre, le comportement selon les variétés peut diverger et montre que l’une semble mieux adaptée à des températures plus fraîches à l’inverse de l’autre, le CO2 agissant sur l’une et l’autre comme un booster.

    En soi cette étude est anecdotique, et rencontre un savoir ancien détenu par celles et ceux qui travaillent la terre et qui choisissent les espèces et variétés à cultiver en fonction de la qualité du sol, des latitudes et des saisons. C’est la masse de ce type d’études, donnant des résultats similaires, qui est intéressante.

    On pourrait penser que la planète s’adapte tant bien que mal à l’augmentation de population! Mais c’est probablement l’inverse qui se passe: les populations humaines s’adaptent aux modifications du climat, en lui donnant, aujourd’hui, un bien maigre coup de pouce avec cette augmentation très marginale du CO2.

    C’est très heureux, car il faut nourrir les habitants de notre Terre. Les famines ont aujourd’hui fortement reculé dans le monde, c’est une tendance, en fait, assez récente, depuis la fameuse révolution verte aux Indes (débutant en 1966) qui a stoppé les famines meurtrières que ce pays connaissait auparavant. Au-delà des perspectives humaines négatives que tout organisme dépendant de l’ONU se doit aujourd’hui d’indiquer, il nous faut aller observer le réel, c’est-à-dire les chiffres de production. Et pour le secteur céréalier, première source de nourriture, et notamment le riz, cela va fort bien!4

    Un exemple frappant est la famine au Sahel: sauf les zones de guerre, et elles sont nombreuses, elle a reculé avec un très relatif mais apparemment bénéfique reverdissement des marges de son territoire; en d’autres termes le désert recule au lieu d’avancer.

    Malgré les cris d’alarmes qui, seuls, ont droit de cité dans nos journaux, les pays du Sahel, en dépit de leurs graves problèmes, connaissent une augmentation de leur production céréalière: 2017 + 5,6 % et 2018 + 4,9 % et les perspectives 2019 semblent de qualité5.

    Cela pose d’ailleurs la question de l’orientation du partenariat que nous avons avec ces pays (je n’aime pas trop le terme "aide au développement" qui sonne si faux), mais c’est un autre débat.

    Et que se passerait-il si un processus climatique vers un refroidissement général se réalise, comme les phases des cycles solaires actuels le laissent peut-être présager?

    Voilà ce qu’une petite étude portant sur nos fraises nous propose de questionner.

    H Balasooriya et al. Impact of elevated carbon dioxide and temperature on strawberry polyphenols. J Sci Food Agric, 24 March 2019.

    Z Zhu et al. Greening of the Earth and its drivers. Nature Climate Change, 2016.

    J Kanter. Scientist: Warming Could Cut Population to 1 Billion. New York Times, 2009.

    FAO. Bulletin de la FAO sur l’offre et la demande de céréales. 2019.

     FAO.  SMIAR Perspectives de Récolte et Situation Alimentaire #1, mars 2019

    Christophe de Brouwer

    Docteur (PhD) en Science de la Santé publique. Professeur honoraire à l'École de Santé publique de l'Université libre de Bruxelles. Spécialiste de l'impact des exploitations minières sur les populations.

  • Nouveauté diététique: La cirrhose sans alcool, vers une nouvelle épidémie

    Comme je vais installer une note sur le Pippermint (Revel), je vous indique, d'avance, le risque de trop boire ou manger sucré.

    La stéatohépatite, qui peut dégénérer en cirrhose voire en cancer, ne concerne plus uniquement les patients alcooliques mais aussi de plus en plus d'obèses et de diabétiques.

    C'est un point de moins dans le camp des amateurs de sucres. À longueur de colonnes on nous parle surpoids, diabète et risques cardio-vasculaire… Mais en négligeant un organe qui souffre à bas bruit de nos mauvaises habitudes: le foie.

    Trente à cinquante pour cent des adultes américains auraient un foie trop gras. En termes médicaux, cela s'appelle la stéatose métabolique, ou NAFLD (pour "non-alcoholic fatty liver disease"), qui si elle se complique d'inflammation et d'atteintes des cellules hépatiques peut évoluer en stéatohépatite métabolique. Un terme que Vlad Ratziu, professeur d'hépatologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), préfère à l'appellation de stéatohépatite non-alcoolique ("NASH"), souvent utilisée parce que les malades présentent "les mêmes lésions du foie que dans l'hépatite alcoolique, alors qu'ils boivent peu ou pas du tout d'alcool", précise le Pr Lawrence Serfaty, hépatologue à l'hôpital Saint-Antoine et co-organisateur, fin juin à l'Institut Pasteur, d'un symposium dédié à cette maladie.

    Graisses et fructose

    La NASH peut entraîner une fibrose, qui peut évoluer en cirrhose voire en cancer, et "nous avons plein d'exemples de patients qui ne boivent pas une goutte d'alcool, n'ont jamais eu d'hépatite virale, et se voient diagnostiquer une cirrhose avec pour seul facteur de risque, le fait qu'ils boivent plusieurs sodas par jours", témoigne Lawrence Serfaty.

    En France, "au vu du nombre de personnes obèses ou en surpoids, on peut estimer que 20 % environ des adultes ont une stéatose", indique le Pr Ratziu. D'aucuns parlent même d'"épidémie" tant le nombre de cas augmente en parallèle de l'obésité et du diabète.

    Accusé principal selon Lawrence Serfaty: "Notre alimentation, trop riche en graisses et en fructose, qui est très toxique pour les cellules hépatiques. Une étude publiée début juin par des chercheurs américains dans le Journal of Hepatology, menée sur 2 634 patients, montre que les personnes buvant quotidiennement des boissons sucrées auraient 55 % de risques supplémentaires de développer une stéatose métabolique. Une autre étude américaine invitait des étudiants à manger au fast-food deux fois par jour: "en deux semaines, leurs transaminases avaient augmenté", indique Lawrence Serfaty, qui précise que cette maladie du foie trop gras est présente chez de plus en plus d'adolescents.

    Une maladie mal connue qui évolue sans symptômes

    La difficulté est que cette maladie, mal connue des médecins, évolue en silence, sans aucun symptôme, et est le plus souvent "cachée" par d'autres facteurs de risques: surpoids ou obésité (90 % des obèses seraient concernés), voir simple excès de graisse abdominale, diabète, hypertension, dyslipidémie. "Chez ces patients, on surveille le risque d'artériosclérose, de diabète, de maladies cardio-vasculaires, mais trop de médecins oublient que le foie aussi peut être atteint", regrette Vlad Ratziu. "Mais 15 à 20 % des patients n'ont aucun facteur de risque métabolique", note le Pr Serfaty.

     "Le diagnostic définitif ne peut être posé qu'avec une biopsie du foie, geste invasif qui ne peut évidemment pas être fait chez tout le monde", explique Lawrence Serfaty. Une hausse importante des transaminases, repérable par simple prise de sang, est toutefois un marqueur indirect de stéatohépatite, qui peut aussi être observée à l'imagerie médicale. "Quand on cherche, on trouve", conclut le Pr Serfaty.

    Or le diagnostic est essentiel, non seulement pour éviter que la maladie ne dégénère en cirrhose ou en cancer, mais aussi parce que "ces pathologies peuvent agraver la toxicité de certains médicaments", indique Bernard Fromenty, pharmacien et directeur de recherche de l'Inserm spécialisé en toxicologie. "Nous savons que le paracétamol est très toxique pour le foie en cas de surdosage, et le seul de toxicité serait plus bas, et les lésions plus graves chez les personnes souffrant de NASH. Certains antirétroviraux, le méthotrexate très utilisé en dermatologie et contre certains cancers du sang, et le tamoxifène contre le cancer du sein sont aussi suspectés d'être toxiques pour ces patients, même aux doses recommandées." Problème: on ne connaît pas bien les mécanismes responsables de ces sur-toxicité, ni l'ensemble des médicaments concernés.

    Nouvelles molécules

    Les médicaments étaient, jusqu'à peu, "pas très efficaces et assez toxiques, note l'hépatologue, mais de nouvelles molécules arrivent". L'une d'elle, développée par le laboratoire français Genfit, a montré des résultats prometteurs dans une étude pilotée par le Pr Ratziu. Il a entraîné une réversion de la stéatohépatite sans effets secondaires et "a amélioré le profil de risque cardio-métabolique" des patients, explique le médecin. Lorsque le foie est trop abîmé, la greffe est l'ultime solution, et la NASH est devenue  la principale indication pour les greffes hépatiques aux États-Unis .

    Mais avant tout, le premier des traitements est une bonne hygiène de vie: perte de poids, exercice physique, rééquilibre du diabète éventuel. Et surtout, une meilleure alimentation. "Mieux vaut un verre de vin qu'un litre de soda!",  sourit le Pr Serfaty. Conseil d'hépatologue…