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philosophie

  • Le Livre Inter est toulousain

    Le jeune philosophe et romancier toulousain Tristan Garcia vient d'être désigné 42e lauréat du prix du Livre Inter. Son incroyable et très architectural roman "7" a séduit ce dimanche le jury placé sous la présidence d'Agnès Desarthe. Un prix qui illumine un peu plus la Ville rose.

    Lors de sa sortie à la fin de l'été 2015, " 7 " n'avait pas à proprement parler retenu l'attention des jurys littéraires. Mais la critique était déjà unanime autour de ce roman à la structure architecturale incroyable, aux sens cachés livrés par sept récits et autant de genres littéraires. Hier, le jury du Livre Inter lui a attribué la 42e palme de son histoire au terme de longues délibérations (quatre tours de scrutins) avec une voix de plus que Le Grand Marin, le roman de Catherine Poulain.

    Logique, "7" – dont il ne faudra pas oublier à la lecture de ses lignes le sens premier de ce nombre – se déroule entre fantastique et science-fiction. Mais sur le fond, sa trame n'est rien de moins qu'une réflexion sur le destin. "Les hommes n'ont pas de désir plus profond que de soumettre celui qu'ils sont au jugement de celui qu'ils ont été", rappelle Tristan Garcia.

     "7" raconte l'histoire d'un dealer qui tombe sur une drogue permettant de remonter le temps et de changer le ressenti de celui qui la consomme ; puis celle d'une star du rock qui n'en revient pas d'entendre "Walking backwards", un morceau daté du XIXe siècle qu'il croyait avoir composé dans les années quatre-vingt… De même, le récit composé sur "Visage", cette femme d'une beauté exceptionnelle est tout aussi déroutant qu'éclairant sur les fameux doubles que chacun d'entre nous posséderait en ce monde… Et ainsi de suite jusqu'à la septième et dernière histoire. La plus longue.

    Cette aventure d'homme qui meurt et renaît sept fois en se rappelant à chaque fois ses vies antérieures est sans aucun doute le socle de "7".

    "De fausses histoires sur la modernité"

    Exploration réaliste de divers milieux sociaux, ce roman est au final le récit fantastique d'une humanité qui tourne volontairement le dos à la vérité et préfère se raconter des histoires.

    À La Dépêche du Midi, en septembre 2015, Tristan Garcia déclarait ceci : "L'idée de départ était de croiser des univers différents. C'est quelque chose que je pratique depuis mes débuts en littérature : j'aime passer du roman classique à des genres comme la science-fiction ou le policier. Et la plupart des textes qui forment "7" répondent à cette envie de chevauchement. Ce sont autant de tentatives de restituer la condition humaine contemporaine en introduisant une petite dose de fantastique (...) Ce qui me fascine dans le monde contemporain, c'est la croyance. Je suis très athée. J'ai embrassé la philosophie en rationaliste. Et je me rends compte qu'on s'est raconté de fausses histoires sur la modernité. On pensait que les croyances allaient se dissiper comme un mirage. En fait, on assiste aujourd'hui à la victoire des croyances irrationnelles. On n'arrive pas à les défaire ; elles résistent de manière têtue, aussi absurdes soient-elles."

    À la manière d'un griot africain, Tristan Garcia livre ainsi bien plus que de simples histoires. Et malicieusement, ouvre en nous des portes insoupçonnées.

    "7", éditions Gallimard

    Le philosophe

    Il est des parcours qui interpellent. Celui de Tristan Garcia est passé par Toulouse, ville où il est né et où il a suivi de brillantes études, à Fermat notamment avant d'intégrer Normale Sup à Paris. Ce jeune homme de 35 ans est aussi grand amateur de cinéma et de séries télévisées au point de codiriger aujourd'hui une collection sur les séries télévisées aux Presses universitaires de France. Son premier roman, La Meilleure Part des hommes ( Gallimard) a remporté le Prix de Flore 2008 et a été adapté au théâtre en 2012. Depuis, six autres prix ont suivi. Il est aussi l'auteur de nombreux essais philosophiques dont le très édifiant et électrisant La vie intense. Une obsession moderne paru en 2016 (Ed. Autrement) dans lequel il examine l'intensité, ce principe qui régit le monde moderne depuis la venue de la fée électricité. Et tente de nous ramener vers la sagesse.

     

  • Nature vivante: une éthique philosophique de la nourriture

    Nous avons souvent du mal à imaginer les plantes comme des êtres intelligents car on relie généralement l'intelligence à la présence d’un cerveau et d’un système nerveux, dont les plantes sont dépourvues. Pourtant, pour le philosophe, les plantes sont des êtres intelligents, sociaux et complexes. La preuve en est qu’elles communiquent entre elles.

    Par exemple, Michael Marder cite une recherche parue en 2014 (3) qui montre que les plantes "peuvent repousser ou accélérer leur propre floraison en fonction des informations qu’elles ont reçues de leurs voisines via des molécules émises par les racines. Si, dans des conditions de laboratoire, une plante est exposée plus longtemps à la lumière, non seulement elle fleurira plus vite, mais elle transmettra aussi par les racines l’information sur ces circonstances favorables à une autre plante qui n’en profite pas directement". Conséquence : la plante destinataire de l’information fleurira aussi plus tôt que prévu.

    Mais le système agricole actuel, qui ne se préoccupe pas forcément du "bien-être végétal, considère plutôt les plantes comme des machines organiques servant à produire nourriture, bois ou carburant. De plus, les pratiques agricoles agissent sur le patrimoine génétique des plantes, dans l’objectif de générer plus de profits. 

    Concernant notre alimentation proprement dite, le philosophe signale qu’ "il faut savoir que nous pouvons nous nourrir de certaines de leurs parties, comme les fruits, sans tuer l’organisme entier. Dans les cultures non-occidentales, c’était vraiment un critère important pour un régime acceptable: le jaïnisme, par exemple, bannit la consommation de végétaux racines, comme les carottes ou les betteraves. "En effet, dans cette religion, on considère que les racines hébergent les âmes des plantes.

    Globalement, le philosophe pense que nous accordons trop d’importance aux choix personnels dans les comportements alimentaires, en oubliant les végétaux et les animaux qui nous entourent. En définitive, "manger n’est pas une activité très éthique" en soi car celui qui mange détruit ce qu’il mange ! Mais il admet aussi que "La façon la plus éthique de manger est de se nourrir de fruits et légumes qui ont poussé localement."

    Enfin, au lieu de penser uniquement à ce qui est dans notre assiette, le philosophe aimerait que l’on pense aussi à la manière dont on reçoit et respecte cette nourriture, par exemple en remerciant pour ce don qui nous est fait.

    (1) Plant-Thinking: A Philosophy of Vegetal Life, Michael Marder, 2013, Paperback.

    (2) The Philosopher's Plant: An Intellectual Herbarium, Michael Marder, 2014, Paperback.

     (3) Falik O, Hoffmann I, Novoplansky A. Say it with flowers: flowering acceleration by root communication. Plant Signal Behav. 2014;9:e28258.