Star des réveillons et des célébrations, le champagne s'invite dans nos coupes pour les fêtes de fin d'année. Mais au-delà de sa réputation d'exception et de son effervescence caractéristique, que connaissons-nous vraiment du champagne?
De la légende de Dom Pérignon aux études contemporaines sur les effets du champagne sur la santé, découvrons les atouts et les particularités de ce vin effervescent qui fait rayonner le savoir-faire français à travers le monde.
HISTOIRE DU CHAMPAGNE
L’invention du champagne remonte au XVIIe siècle. Son inventeur présumé, le moine cellérier Dom Pérignon, aurait dit à ses frères moines après sa première dégustation: "Venez vite, je goûte les étoiles". Ces fameuses bulles sont induites par la "prise de mousse", c’est-à-dire la transformation contrôlée d’un vin tranquille en un vin effervescent
Historiquement, dans la région champenoise, la viticulture s'est implantée dès l'époque romaine.
Le plus ancien vigneron rémois attesté par les archives est Saint Remi, évêque de Reims, dont le testament daté d'environ 530 fait mention de cinq parcelles de vignes. L'effervescence des vins de Champagne est apparue dans le dernier tiers du XVIIe siècle avec l'adoption de la mise en bouteille, qui offrait une meilleure conservation que les tonneaux. Les sucres et levures encore présents dans le vin déclenchaient la reprise de la fermentation au printemps.
Pour contenir la pression de ces vins pétillants, il fallait des contenants robustes: c'est en Angleterre que furent créées, à la fin du XVIIe siècle, des bouteilles en verre noir épais, rapidement adoptées en France sous une forme piriforme de couleur vert foncé ou ambrée.
Durant tout le XVIIIe siècle, le champagne est demeuré un produit rare. L'arrivée du chemin de fer au siècle suivant a bouleversé le marché: face à la concurrence des vins méridionaux bon marché vendus à Paris, la production de vin rouge champenois a décliné. La région s'est alors progressivement orientée vers une viticulture d'excellence consacrée au champagne, dont la réputation et les débouchés commerciaux connaissaient une forte expansion.
Les premières maisons de champagne ont vu le jour sous Louis XV: Ruinart (1729), Chanoine (1730), Forest-Fourneaux (1734), Moët (1743), Delamotte (1760), Clicquot (1772)...
À compter de 1887, le phylloxéra a dévasté le vignoble champenois. La seule solution efficace fut de replanter entièrement les vignes en greffant sur des porte-greffes américains résistants. Les dernières parcelles produisant des vins rouges de consommation courante ont alors disparu au bénéfice exclusif de celles destinées au vin effervescent.
En 2024, la France consomme un peu moins de la moitié des bouteilles de champagne produites, et 56% sont exportées. Les principaux pays consommateurs de champagne dans le monde sont, après la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon.
BULLES ET NUTRITION
Le champagne renferme un peu plus de glucides que le vin, pour un apport énergétique similaire (environ 80 kcal pour 100 g).
CHAMPAGNE ET SANTE
Comme tous les alcools, le champagne a des effets bénéfiques pour la santé à condition d’être consommé avec modération et dans le cadre d'une alimentation par ailleurs équilibrée. Dans les études, le champagne est souvent assimilé à un vin blanc.
MORTALITE ET MALADIES CHRONIQUES
Une étude récente qui a analysé les données de 500 000 personnes de la UK Biobank, démontre que la relation entre mortalité et consommation d’alcools – vin rouge, champagne et vin blanc – se présente sous la forme d’une courbe en U: la mortalité la plus faible est observée pour une consommation faible à modérée (3). Dans la même étude, les spiritueux étaient associés au risque de maladies cardio-vasculaires, tandis que le vin rouge, le champagne et le vin blanc, la bière, présentaient une relation en forme de U pour ce risque. Pour ces auteurs, la consommation de champagne et de vin blanc devrait rester inférieure à cinq verres par semaine. Les boissons alcoolisées à des doses sûres ont montré un effet protecteur contre des maladies telles que le diabète, la dépression, la démence, l'épilepsie, la cirrhose du foie et d'autres maladies digestives, sans augmenter le risque de cancer.
DE POTENTIELS EFFETS SUR LE CERVEAU
Même si les vins blancs contiennent généralement moins de polyphénols antioxydants que les vins rouges, ils ne sont pas dénués d’intérêt. Le champagne renferme de grandes quantités d’acide phénolique, un antioxydant connu pour protéger les cellules des dommages causés par les radicaux libres.
Des chercheurs de l’université de Reading (Grande-Bretagne) ont testé la capacité de différents extraits de champagne à protéger les neurones contre les attaques de radicaux libres "azotés" appelés peroxynitrites.
Résultats: même à basse concentration, certains extraits protègent significativement des attaques radicalaires. Cet effet serait lié à la présence de tyrosol, d’acide caféique et d’acide gallique.
Dans le cadre d’une étude sur les comportements liés à la consommation d’alcool, des chercheurs français du CHU de Nîmes ont étudié les effets du champagne et du vin blanc non gazéifié sur la sécrétion de quatre neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, cholécystokinine et bêta-endorphine) de 40 jeunes volontaires.
Résultats: le champagne, à la différence du vin blanc, entraîne une augmentation significative de la sécrétion de dopamine, un neurotransmetteur stimulateur impliqué dans les comportements d’éveil, de découverte et de vigilance. Selon les chercheurs, cet effet ne serait pas lié à l’alcool mais aux autres composés présents dans le champagne.
Une autre étude, sur les rongeurs, parue dans le journal Antioxidants et redox signaling, indique qu’une consommation modérée de champagne pourrait améliorer la mémoire de travail visuo-spatiale grâce à ses composés phénoliques (en particulier l’acide gallique, l’acide protocatéchuique, le tyrosol, l’acide caftarique et l’acide caféique). L’alcool seul n’a pas entraîné d’amélioration.
Globalement, les études ne sont pas assez nombreuses, surtout chez les humains, pour conclure à un quelconque effet positif sur le cerveau d’une consommation modérée de champagne. C’est un bénéfice qui reste potentiel et nécessite plus d'investigations.
Ses bulles accélèrent la montée de l’ivresse
Les bulles de champagne contribuent-elles à l’ivresse que procure cette boisson festive? Apparemment, oui. Des chercheurs ont comparé les effets d’un champagne dégazé, sans bulle, à celui d’un champagne normal, sur l’alcoolémie et le comportement psychomoteur de 12 personnes. Leur verdict: la présence de bulles de dioxyde de carbone dans le champagne augmente significativement le taux d’alcool dans le sang… et le temps de réaction des volontaires!
ROSE, IL EST MEILLEUR POUR LA SANTE
Le resvératrol est un polyphénol trouvé en très grandes quantités dans la peau des grains de raisin et dans le vin rouge. Il a fait l’objet de nombreuses recherches car il présenterait de multiples propriétés, anti-cancer, anti-Alzheimer, antidiabète et antivieillissement.
Des chercheurs de la faculté de Reims ont dosé le contenu de divers champagnes en resvératrol . Alors que le champagne est issu pour ¾ de raisin rouge, les analyses montrent qu’il contient très peu de resvératrol, de 0,02 à 0,77 mg/L.
L’explication? Le mode de pressurage des raisins de Champagne n’extrait pas le resvératrol. En revanche, le champagne rosé, issu de l’assemblage de vins blancs et de vins rouges (Côteaux champenois) a des teneurs en resvératrol 10 fois plus élevées, allant de 0,186 à 0,642 mg/L. À titre de comparaison, le vin rouge contient entre 0,3 et 2,1 mg de resvératrol/L. Autre découverte: quand le champagne vieillit, les phénomènes d’oxydation des composés phénoliques entraînent une diminution des teneurs en resvératrol.
De même, les champagnes rosés contiennent plus d’acides phénoliques que les blancs. Mais les plus fortes teneurs en polyphénols se trouvent dans les champagnes réalisés avec du Chardonnay, selon une étude de 2019.
DE POSSIBLES PROPRIETES ANTI-INFLAMMATOIRES
En raison de sa teneur en polyphénols, le vin rouge possède un effet anti-inflammatoire plus important que des boissons comme le gin qui n’en contient pas. Des chercheurs barcelonais ont voulu savoir ce qu’il en était des boissons intermédiaires comme le cava, un vin blanc mousseux produit en Espagne selon la méthode champenoise, en comparant ses effets à ceux du gin.
Leur conclusion: les deux boissons possèdent des propriétés anti-inflammatoires mais pour le cava, l’effet est nettement plus important, probablement en raison de ses teneurs en polyphénols.
BON POUR LES VAISSEAUX?
De nombreuses études font état d’un lien entre une consommation modérée d’alcool, et de vin rouge en particulier, et une meilleure santé cardio-vasculaire. Un essai contrôlé randomisé a évalué les effets de la consommation de champagne sur la fonction endothéliale (la bonne santé des vaisseaux sanguins) par rapport à un autre alcool similaire dans sa teneur en alcool, glucides et composés dérivés des fruits.
Résultats: les deux alcools ont amélioré la fonction endothéliale de manière similaire, 4 heures après la consommation. En revanche, seul le champagne a maintenu cette amélioration 8 heures après avoir été bu. Pour les chercheurs, cela suggère que " la consommation modérée de champagne pourrait améliorer le flux sanguin des microvaisseaux sur une période soutenue, via le maintien local du taux d'oxyde nitrique (NO)".
LE CHAMPAGNE EN CUISINE
Outre l’utilisation du champagne pour réaliser des cocktails, la boisson pétillante apporte une touche d’exception aux plats de fêtes, en remplacement du vin blanc par exemple dans les plats de poisson, ou dans des desserts raffinés.
Par Priscille Tremblais - Journaliste scientifique